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Le pouvoir des algues

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Plus que jamais, les algues nous fascinent. Et pour cause : leurs propriétés étonnantes laissent présager des solutions prometteuses pour répondre à certains des plus grands enjeux de notre époque. Par où commencer ?

Rouges, vertes, phosphorescentes, comestibles, dépolluantes, antioxydantes… il y en a, si l’on peut dire, pour tous les goûts – 72 500 espèces différentes, pour être précis. Ces organismes vivants vieux de plus de 3,8 milliards d’années, à peu de choses près, comptent parmi les plus anciennes formes de vie sur Terre.

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Un bout d'Histoire

Très tôt, l’Humain s’est intéressé aux algues : la première preuve de leur consommation remonte à plus de 14 000 ans, à Monte Verde, au Chili. Leur usage médicinal, quant à lui, trouve sa source dans l’ouvrage « Shennong bencao jing » dédié aux plantes thérapeuthiques, écrit aux environs de 2800 avant J.C. Dans des temps moins anciens, elles ont été cultivées pour servir d’engrais au Moyen Âge, et de soude pour la fabrication de verre puis de savon au XVIIe siècle. Et début XIXe, les naturalistes n’hésitaient pas à plonger dans l’eau la tête la première pour les étudier et même les collectionner !

Avance rapide. De nos jours, sans qu’on en ait forcément conscience, les algues sont partout. Exhausteur de goût dans l’industrie alimentaire, antioxydant aussi réputé que répandu en cosmétique, liant servant à préparer des peintures, coagulant entrant dans la composition de nos pansements… Et dire qu’Aristote les avait placées en dernière position de sa « chaîne des êtres » !

Et demain ?

Ainsi donc, les algues sont au coeur de tout ce que nous consommons. Mais bien plus que cela, elles sont surtout une composante fondamentale de notre existence sur Terre. En effet, plus de la moitié de l’oxygène présent dans l’atmosphère provient des océans. Donc, des algues. Gigantesques réservoirs de biodiversité, elles sont les producteurs primaires de la chaîne alimentaire et constituent l’habitat le plus étendu sur la planète pour de nombreuses espèces. D’une complexité extraordinaire, leurs propriétés uniques sont encore largement méconnues… Et pourtant, on devine déjà qu’elles sont la réponse aux défis cruciaux que nous sommes amenés à affronter.

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Ainsi, leur capacité à capturer le carbone atmosphérique et leur croissance fulgurante (jusqu’à 90 centimètres par jour pour certaines espèces !) font des algues un organisme vivant puissant pour lutter contre le réchauffement climatique. De là, plusieurs pistes sont envisagées – de la plus évidente à la plus improbable. Tandis que certains rêvent de forêts d’algues pour soulager la Terre, d’autres les imaginent déjà envahir nos rues. C’est par exemple l’idée du cabinet d’architecture parisien XTU : ses biofaçades remplies d’algues permettraient à la fois de réguler la température intérieure des bâtiments – diminuant ainsi drastiquement notre consommation énergétique – et de dépolluer les villes grâce à l’absorption de carbone par les algues. Encore un brin futuriste, mais résolument audacieux.

Des enjeux à grande échelle

Aujourd’hui, nous sommes près de huit milliards d’être humains sur Terre. Dix en 2050, d’après les Nations Unies. Alors que nos ressources s’amenuisent un peu plus chaque jour, une vérité s’impose : nous devons repenser nos modes de consommation. Et là encore, l’algue a plus d’une carte à jouer.

Premier challenge : remplacer les énergies fossiles. Rien que ça ! Une ambition qui est pourtant loin d’être fantaisiste. La biomasse algale, créée par la transformation de la lumière en énergie par les plantes, représente un potentiel qui ne demande qu'à être exploité pour pallier la problématique de la diminution des énergies non renouvelables. Électricité, biocarburant… Les idées fusent. 

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Enfin, s’il lui reste un peu d’énergie, un dernier défi attend l’algue, et pas le moindre : devenir l’alpha et l’oméga de nos assiettes. Une perspective qui n’effraie pas certains scientifiques et industriels, qui voient dans l’algoculture une alternative viable à l’élevage. Après tout, les algues sont économes en place, leur croissance est extrêmement rapide et elles n’ont besoin que d’eau salée et de soleil pour grandir. Et comme si ça ne suffisait pas, elles regorgent de protéines, de fibres, sont riches en fer et pleines de vitamines. Alors, vous reprendrez bien un peu de goémon ?

Notre planète est à 70 % recouverte d’eau. Selon la Safe Seaweed Coalition – dont l’action est pilotée par le CNRS et soutenue par les Nations Unies –, si nous dédions seulement 2 % de l’océan à la culture d’algues, nous pourrions nourrir jusqu’à douze milliards d’humains… Une autre voie possible, pour ne pas brusquer les carnivores convaincus : si, d’aventure, on choisissait de remplacer le régime alimentaire du bétail par des algues, l’émission par les vaches de méthane (un gaz à effet de serre vingt-cinq fois plus réchauffant que le CO2) diminuerait de 98 %, selon le Journal of Cleaner Production. De quoi porter un autre regard sur nos fonds marins.

 

@Aparte_Mag