Les toiles brumeuses et oniriques de Lutfiyah sont un appel à la rêverie. Plongée dans l’univers de cette jeune artiste pleine de talent, qui vient tout juste de réaliser sa première exposition solo au Caudan Arts Centre.
Bonjour Lutfiyah ! Raconte-nous, comment en es-tu arrivée à être une artiste ?
J’ai toujours été créative. À dessiner, bricoler quelque chose… Mais c’est à travers un programme d’art et de design à l’école que j’ai réellement découvert la peinture. Si le système m’a paru trop restrictif, j’ai tout de même pris goût au fait de tenir un pinceau dans la main, et j’ai commencé à faire mes propres explorations en me tournant vers l’abstrait. Le processus pour trouver ma voie, ma propre façon de peindre, a été très intuitif.
Parle-nous de ton style ?
Ce ne sont pas les mots ou les humains qui m’interpellent, mais les couleurs. J’assimile tout d’après elles : lorsqu’on me décrit quelque chose, c’est le premier élément à me donner pour capter mon attention ! Dans mes toiles, je donne ma propre interprétation du monde à travers les couleurs. Elles sont ce qui arrive en premier dans mon esprit, et chaque couleur en appelle une autre. Mon idée de départ n’est jamais nette, ce sont les couleurs qui définissent le fil rouge de la toile. Je dirais donc que mon univers, ce sont les couleurs !
Tes toiles offrent tout un jeu de contrastes et de nuances. Vraiment, on se croirait dans un rêve ! Comment t’y prends-tu ?
Une toile peut me prendre plusieurs jours. Après avoir posé une première couche très liquide, je la mets de côté. Puis j’y reviens, pour voir où la peinture me mène. Je viens alors construire l’œuvre avec plusieurs fines couches superposées, jusqu’à obtenir le résultat que je recherche. J’adore le processus, qui est d’abord très intuitif, puis ensuite très minutieux : les couleurs vont où elles veulent, et je complète après ce qu’il manque pour créer la bonne harmonie. J’utilise principalement de la peinture acrylique et de la peinture à l’huile, ainsi que de très petits pinceaux et une spatule.
Quelles réactions observes-tu face à tes œuvres ?
Les gens sont intrigués, la plupart du temps. Je pense que l’abstrait crée ce sentiment. C’est pour cela que je ne suis pas à l’aise de discuter de mes œuvres une fois terminées : d’une part car je n’ai pas toujours les mots pour expliquer ce que j’ai voulu représenter, et d’autre part car je pense que l’interprétation est vraiment personnelle. À chacun doit laisser libre-cours à son imagination. Ce qu’on ressent au fond de soi en regardant une toile, c’est ça le plus important.
Tu as choisi d’être une artiste à temps plein. C’est courageux.
Oui, je suppose ! J’ai la chance de pouvoir me le permettre. Ça fait maintenant un peu plus d’un an que je m’y consacre à temps plein. Quand je ne peins pas, je donne des cours aux adultes et aux enfants dans mon atelier. Si ça fonctionne bien aujourd’hui, je suis consciente que ça n’est pas évident de vivre de son art à Maurice. Mais je reste pourtant convaincue que lorsqu’on est passionné, on trouve des chemins pour réussir !
Y a-t-il des artistes qui t’inspirent ?
Oui, l’art en général me parle beaucoup. Je suis inspirée par des artistes mauriciens comme étrangers, mais la liste est longue ! Au-delà de l’inspiration purement artistique, je m’intéresse aussi à la façon dont les artistes locaux ou étrangers parviennent à vivre de leur art. Le marché étant mieux établi dans d’autres pays, c’est intéressant de comparer les possibilités et les opportunités qui nous sont offertes.
Pour finir, parlons franchement. Ces univers colorés qui sortent de ton imaginaire, ça doit forcément dire quelque chose de ta personne, non ?
C’est vrai ! Les paysages très abstraits que je peins reflètent définitivement une partie de ma personnalité : je suis quelqu’un de très rêveur, avec souvent la tête dans les nuages… Et voilà le résultat !
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